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Futur antérieur : la ville de demain vue du passé
La compréhension des propriétés de l’électricité et du magnétisme au cours du XIXème siècle a influencé l’imagination d’auteurs comme Jules Verne (1828-1905) et Albert Robida (1848-1926) dans leur description de la ville du futur et notamment de Paris. Paris au XXème siècle (en fait en 1960) a été imaginé par Jules Verne dans un roman de jeunesse, écrit probablement vers 1860 mais qui ne fut retrouvé et publié qu’en 1994. Vingt ans plus tard, Albert Robida décrit la vie dans les années 1950, d’abord dans « Le Vingtième Siècle » paru en 1883, puis dans « La Vie Electrique : Le Vingtième Siècle » paru en 1892. Robida était également un dessinateur : il a donc illustré ses ouvrages, ce qui permet de se faire une meilleure représentation du monde moderne tel qu’il le voyait. Pour Verne comme pour Robida la notion de réseau est fondamentale : réseau de transport, réseau d’informations.
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Pour faire face à l’augmentation du tra c dans les rues, Jules Verne décrit quatre ceintures de chemin de fer métropolitain construites en 1913 et des lignes aériennes de «railway» : les convois de ce dernier auraient transporté mille personnes à une fréquence de 10 minutes et utilisé une propulsion basée sur des aimants et de l’air comprimé. Le métro parisien n’est né qu’en 1900, pour l’ouverture des Jeux Olympiques d’été, mais le métro londonien, certes souterrain, a été mis en service en 1863 et a pu inspirer Jules Verne. Le métro parisien comporte 27 stations aériennes, édi ées entre 1902 et 1909 sur les lignes 2 et 6. Les tronçons aériens du métro parisien, tout comme la partie la plus ancienne ligne du métro aérien de Chicago dans le Loop, sont assez conformes à la représentation que s’en faisait l’auteur, avec des élégantes arches métalliques qui auraient protégé les promeneurs de la pluie et du soleil.
De nos jours, nous sommes encore loin du transport de personnes par air comprimé : l’idée de base existe depuis 1853 quand l’invention d’un ingénieur écossais, William Murdoch, dans les années 1800, a été mise en œuvre pour transporter rapidement, grâce à un réseau pneumatique, de petits plis entre le London Stock Exchange et la station de télégraphe principale de Londres. L’Hyperloop imaginé par Elon Musk pour relier Los Angeles à San Francisco à une vitesse de 1 220 km/h dans des capsules de quatre à six personnes, en reprend l’idée mais n’est pas encore réalisée. En Ile-de-France, le Réseau Express Régional (RER) s’étale plutôt sous forme d’une étoile : la ligne A avec son million de passagers par jour et ses 580 trains transporte environ 1 500 personnes par rame à une fréquence de deux minutes. Pas si loin de ce qu’envisageait Jules Verne !
Albert Robida imaginait quant à lui tout un réseau de tubes, essentiellement en surface, pour des trajets à grande distance mettant en œuvre air comprimé et électricité : 25 minutes pour un Brest-Paris en tube express. Encore bien mieux que notre train à grande vitesse (4h30) ! Ce même système de tubes, mais souterrains cette fois, aurait permis la livraison de tout objet dans Paris, évitant de cette façon la circulation de camions. Les systèmes de transport de personnes par tube n’auraient pas nécessité de conducteurs, rejoignant là le fonctionnement de certains de nos métros automatiques (VAL, etc.). Le transport à sustentation électromagnétique, dont les prémisses sont énoncées par Verne, n’a pas connu le développement escompté, avec un nombre limité de lignes en fonctionnement, essentiellement en Asie (Chine, Japon, Corée du Sud).
Par Marie-Noëlle Pons, Laboratoire Réactions et Génie des Procédés, CNRS, Université de Lorraine, Nancy