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QUELQUES LIMITES ET INTERROGATIONS SOULEVÉES PAR LE DÉVELOPPEMENT DU NUMÉRIQUE DANS CES SERVICES
Certes il y a un fort potentiel, mais de nombreuses questions se posent encore.
La première, la plus courante, s’interroge sur le bien-fondé de la collecte de données en temps réel sur les consommationsdesusagers.Quipeuty accéder?Dansquelleslimites?Etpour quel usage ? Il faut donc réfléchir au préalable à l’utilisation de ces données. En effet, leur ouverture pourrait susciter l’innovation et le développement de nouveaux services, mais pourrait, a contrario, violer l’intimité des usagers. Aussi, il faut s’intéresser à la possibilité pour les usagers d’interrompre leur communication quand ils le souhaitent, totalement ou partiellement, par exemple via des interrupteurs physiques ou d’écrans de paramétrage.
Bien que les technologies actuelles soient suf samment pointues pour sécuriser tous types de réseaux et de données, la sécurité informatique constitue une problématique majeure à ne pas négliger. Aussi, l’encadrement des pratiques des opérateurs des services par l’Etat paraît incontournable. C’est dans ce sens que
l’ANSSI (Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information) réfléchit actuellement avec les opérateurs de services publics à améliorer la sécurité de leurs systèmes d’information15. D’autant plus qu’aujourd’hui les grands gestionnaires de données sont des entreprises extranationales (Google, Amazon, etc.). Aussi, se posera la question de la souveraineté nationale quant à l’utilisation de ces données.
« Le numérique et l’informatique font déjà partie intégrante de nos domaines, leur maîtrise sera indispensable pour travailler de façon optimale. »
alexia leyret, étudiante à l’enScr*
Ensuite, la multitude de données potentiellement récupérables nécessite de la part du gestionnaire du service public de pouvoir distinguer, parmi toutes les informations mesurables, celles qui seront véritablement utiles. En effet, le coût d’installation de compteurs intelligents ne se justi erait que s’il permet en effet d’améliorer la qualité du service public, dans un rapport coût/béné ce clairement positif pour l’ensemble des acteurs et des dimensions du service public. Si la gestion des données est aujourd’hui une science déjà bien maîtrisée, la prise en compte de l’énergie nécessaire au fonctionnement des serveurs de données est une composante importante, tant pour son coût que pour son impact
environnemental. La réflexion quant à la numérisation du service est à mener sur l’ensemble de la chaîne des systèmes d’information, de la collecte à l’utilisation.
Dans un tout autre registre de questionnement, on pense souvent le numérique comme créateur de nouveaux emplois. Mais, n’est-il pas aussi destructeur d’emplois ? La numérisation pourrait directement impacter les métiers peu quali és qui sont pourtant nécessaires aux missions d’intérêt général, tels que les trieurs, ripeurs, égoutiers... Par exemple, l’humanité des inspecteurs est souvent requise pour les coupures d’eau et l’information des publics concernés, ou encore, les techniciens d’analyse de qualité des eaux qui modulent leurs analyses en fonction des besoins et contextes.
En n, la transition numérique suppose également de s’interroger sur l’accessibilité des services publics dans leur nouvelle forme. En effet, le développement du numérique pourrait s’accompagner d’une amélioration de la qualité des services rendus aux usagers : suivi en temps réel des consommations, alertes en cas de fuites, facilité de règlement des factures, etc. Cependant, en s’appuyant sur des technologies coûteuses, qui nécessitent également une certaine familiarité avec le langage digital, les technologies « intelligentes » ne sont pas forcément accessibles pour tous les usagers du service public. Ne risquerait-on pas de voir se superposer, aux fractures sociales habituelles, une séparation entre les usagers (ou les territoires) les mieux connectés, et ceux moins bien armés ? C’est pour cette raison que les fondamentaux du numérique doivent être enseignés le plus tôt possible au même titre que la lecture ou le calcul. Aujourd’hui, tous les métiers, tous les instants de notre
15. Cybersécurité et loi de programmation militaire : préparation des règles de sécurité, ANSSI, http://www.ssi.gouv.fr/actualite/cybersecurite-et-loi-de- programmation-militaire-preparation-des-regles-de-securite/, décembre 2015