Page 45 - Test
P. 45

45
Vers une intelligence partagée de phénomènes complexes par l’expérimentation virtuelle : l’exemple du ruissellement et de l’érosion
sur un petit bassin versant
INTRODUCTION
L’intelligence numérique est censée doper l’intelligence humaine, pour aborder notamment la gestion des territoires. Il s’agirait de multiplier les informations, leurs traitements et leur diffusion, en s’appuyant sur les changements technologiques (Web 2.0, réseaux sociaux, Big Data, objets communicants...), mais aussi sociaux (e-démocratie, smart cities...) et règlementaires (Open Data...). Ce foisonnement informationnel ne doit cependant pas occulter le dé  récurent d’une compréhension partagée, donc débattue, des processus sociaux- écologiques complexes qui sont à l’origine de ce qui fait problème sur les territoires. L’intelligence numérique doit aussi s’attacher à développer des opportunités de confrontations des représentations des dynamiques observées, dans des contextes où les savoirs et les compétences sont dispersés entre de nombreux acteurs et institutions sur les territoires. Elle doit aussi aider ces acteurs pluriels à explorer ensemble et de façon non sectorielle les options d’aménagement et leurs conséquences techniques, économiques et sociales à différentes échelles. Former les acteurs à la compréhension des phénomènes et à la pluralité des
solutions envisageables représente une première étape pour initier une nouvelle forme de gestion des bassins versants, basée sur « l’hydrosolidarité » (amont/ aval ; urbains/ruraux, etc.).
C’est dans cet esprit qu’a été initiée une opération de recherche-action sur l’enjeu du ruissellement érosif dans le pays de Caux, le projet SURGE dans le cadre du projet Eaux et Territoires (Arnould et Gascuel, 2016). Il s’agissait de développer un outil d’apprentissage sur les interactions entre des processus biophysiques d’écoulement des eaux, des logiques technico-économiques de nombreux acteurs (agriculteurs, maires, propriétaires fonciers...), et des politiques publiques (agricole, urbanisme). La démarche a consisté en une modélisation d’accompagnement, une co-construction avec des acteurs concernés d’un outil de concertation sur les enjeux d’érosion, d’hydraulique douce et d’urbanisation. L’outil prend la forme d’un jeu de rôles (Ruis’eau) servant de support de discussions entre agriculteurs, maires, syndicats d’eau et de bassin versant. Il comprend un module informatique pour simuler le ruissellement érosif et ses conséquences économiques et sociales de l’échelle de
l’exploitation agricole, au service d’eau jusqu’au sous bassin versant. L’outil numérique soutient ainsi une plateforme d’apprentissage social, qui rend visible les logiques et contraintes des parties prenantes, les incidences individuelles et collectives de scénarii d’aménagement conçus par les participants.
Par Patrice Garin, IRSTEA UMR G-EAU ; Véronique Souchère, INRA UMR SADAPT ; François Ouvry, AREAS et Vincent Martin, AESN


































































































   43   44   45   46   47